04sept.

Annihilator: un comics rempli d’action et d’humour

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Vivant à Los Angeles et côtoyant le tout-Hollywood, Raymond “Ray” Spass, célèbre scénariste qui a inscrit 2 méga-succès au box-office, est surtout un type profondément paumé qui s’est mis tout son entourage à dos. Obligé par contrat de lancer une nouvelle licence susceptible d’aboutir à une franchise ayant pour héros “Max Nomax” - une sorte de voleur / héros intergalactique -, Ray cherche désespérément à retrouver la formule du succès, usant aussi bien de substances alcooliques et/ou narcotiques pour tenter de (r)éveiller son inspiration en berne - ou clairement anesthésiée, c’est selon -. Ayant dernièrement acquis une maison censément hantée, il s’y installe pour raviver sa flamme créatrice et sa verve délirante - vaste programme au vu de l’état du personnage -. Après la nuit de bacchanales organisée à l’occasion, Ray découvre qu’il est atteint d’une tumeur au cerveau des plus sévères, inopérable et mortelle à très court terme : il ne lui reste pour ainsi dire que le temps de livrer son scénario avant de rencontrer son créateur - ou sombrer dans l’oubli -. C’est le moment que choisit un antihéros flamboyant, méchamment rock’n roll et génialement barré pour apparaître dans le salon et solliciter l’aide de Ray pour sauver sa bien-aimée : Max Nomax en personne. Recherché dans le monde réel par le FBI en tant que délinquant/fugitif, Max annonce au scénariste en attente de sa mort prochaine que sa tumeur n’en est pas une mais sa biographie - soit le scénario que doit écrire Ray - et que s’il veut survivre, il doit désormais finir son histoire. La difficulté, outre le temps très court imparti à Ray, c’est qu’un assassin/bourreau quasi-inarrêtable et protéiforme - un T-1000 sous stéroïdes -, l’Annihilator, envoyé par un seigneur galactique omnipotent connu sous le nom de VADA – acronyme de Vatic Arificial Divine Authority - est à leur trousse et qu’il ne reculera devant rien pour s’acquitter de sa mission.  Commence alors pour Ray et Max une course-poursuite contre le temps et la mort, l’Annihilator et les polices locales, à la recherche de l’inspiration perdue devant faire accoucher Ray de l’histoire de Max, seule à même de les sauver... Une rocambolesque et conceptuelle aventure aux influences cinématographiques plurielles et assumées, un récit original, adulte et inspiré qui n’oublie ni de divertir, ni de faire réfléchir. A chaudement recommander !

Science-fiction et Affres de la création ! Enquête délirante et Questionnements métaphysiques ! Humour grinçant et tragédies partagées ! Déliquescence de la mémoire et prééminence de l’histoire ! Annihilator, c’est tout cela et bien plus, un feu d’artifices aussi bien cérébral que visuel qui n’hésite ni à franchir la ligne rouge, ni à se parodier pour proposer à l’arrivée un comics détonant, étonnant et foisonnant. Récit fort et personnel, Annihilator emprunte des chemins parfois tortueux et complexes pour explorer les rapports entre un créateur et son oeuvre et plus particulièrement les doutes qui peuvent l’étreindre lors de ce processus complexe, source de joie comme abîme de douleur, qui insuffle la vie à ses créations - qu'elles soient littéraires, cinématographiques, graphiques etc... -. A mesure que l’histoire se développe et prend toute son ampleur, les parallèles - souvent distordus - entre Ray et Max, de leurs destins enchevêtrés à leurs blessures entremêlées, se découvrent et se multiplient, s’affinent et s’affirment : plus leur aventure avance, plus les ressemblances dans leur vécu propre et leur façon d’être - perte de l’être aimé ; égocentrisme partagé et très marqué ; exister par une opposition systématiques aux schémas imposés (sociétaux en particulier) - semblent se répondre voire converger, mettant à jour un jeu de vases communicants presque cosmique entre les 2 protagonistes , voire un transfert de force vitale entre Ray - qui, malade et s’efforçant d’écrire la biographie de Max, s’étiole - et Max - qui, avec le retour de sa mémoire, gagne en assurance et en superbe -. Cette mise en abîme,  ce jeu de miroir et cette interpénétration galopante entre le réel et la fiction trouve sa plus belle expression dans la transformation de la “course pour la vie” - soit écrire, raconter pour survivre (belle métaphore de l’écrivain/scénariste) - de Ray en “la mise au monde de l’histoire" - soit la naissance en tant que personnage et non plus simple idée - de Max, pour qui l’existence a de fait précédé l’essence, celle-ci étant définie par les écrits de son créateur au fil de la progression du récit ! Tout le cheminement créatif, la souffrance qui l’accompagne, les doutes qui l’étreignent, le message qu’il véhicule, l’accomplissement qu’il procure et la frustration qu’il peut engendrer sont ainsi matérialisés à travers le récit et personnifiés via les différents personnages-phares - Max et Ray d’un côté / Annihilator et VADA de l’autre - et leurs actes qui sont clairement des émanations/doubles/démons de l’auteur. Morrison rend ainsi avec son scénario à tiroirs malin et fourmillant d’idées une œuvre certes torturée et parfois ardue mais surtout touchante et profondément sincère ; une très belle réflexion sur l’artiste face au processus de création ainsi que sa relation avec ce qu’il amène au monde, quelle que soit sa nature - peinture, comics, cinéma, livres etc... -. Au vu de telles thématiques, la partie graphique se devait d’être à la hauteur et proposer une palette à-même de surprendre et d’enthousiasmer que ce soit dans les scènes intimistes tout comme dans les scènes d’action. Un pari réussi haut la main avec la prestation visuelle de haute volée délivrée par un Frazer Irving au sommet de son art. En osmose totale avec le scénario, son trait inégalable, sa science du collage et ses jeux de couleurs et de matières font de Annihilator un terrain halluciné d’expérimentations stylistiques et de narration graphique décomplexée.  Un comics original et inspiré de très belle tenue, à la forme et au fond indissociables et complémentaires. Un bon moment en perspective ! 

Duo d’exception déjà à l’oeuvre sur nombre de petits bijoux comics – Batman ; Batman Incorporated ; Seven Soldiers of Victory : Klarion The Witch Boy - Frazer Irving et Grant Morrison sont des personnalités fort connues de l’industrie du comics. Si Morrison, véritable star dans son domaine, est l’un des scénaristes les plus prolifiques de ces dernières années - entre son style et ses productions très variées, il y a de quoi faire...-, son comparse est plus confidentiel, même si son nom s’est vu accoler à nombre de prestigieuses licences. Ainsi Frazer Irving, dessinateur qui a débuté dans les années 2000, a travaillé pour les plus grandes revues et maisons d’éditions du médium : 2000AD - Judge Death ; Necronauts...-, Marvel - Avengers ; Iron Man ; X-Men...-, DC – Batman ; JLA ; Azraël ; Hellblazer... -  

Pour qui : toutes celles et tous ceux à la recherche d’un comics concept bourré d’action et d’humour / ceux qui s’interrogent sur les processus créatifs et les doutes des créateurs / les fans de Terminator, de 2001, de Space Opera et de Science-Fiction...ainsi que de Las Vegas Parano / ceux qui veulent découvrir un style graphique particulier et assez unique en son genre / Lecteurs avertis - dès 16 ans -

Le + : Très impliqué dans les adaptations télévisées basées sur ses comics – son run sur “Doom Patrol” pour DC Comics ; “Happy”, sa création propre pour Netflix -, Grant Morrison est crédité comme co-scénariste de la série "Brave New World”, tirée de l’oeuvre éponyme d’Aldous Huxley  - connue en France sous le titre “Le Meilleur des Mondes”- et actuellement visible aux USA sur Peacok - plateforme nouvellement lancée sur le modèle de Netflix - ;  il développe en parallèle une adaptation, très attendue, de son comics à succès “Les Invisibles”.

 

Annihilator – broché - 224 pages - 19,00€ - édition française Urban Comics

 

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